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Dehlia*, 25 ans : « Je n’étais qu’un numéro d’écrou »

 

 

Une enfance heureuse dans le bassin minier, une éducation « merveilleuse », dix frères et sœurs, des parents aimants… Puis la violence avec son petit ami. Sept mois derrière les barreaux dont elle peine à se remettre.

 

La voix tremble. Colère, tristesse… Cette jeune femme fluette voit presque la prison comme quelque chose de bénéfique, mais ne peut s’empêcher d’en vouloir à certaines personnes.      ses enseignants, par exemple, qui n’ont pas réagi au moment où elle avait besoin d’être écoutée. « Ils m’ont laissé grandir dans mes erreurs. » Mais surtout à son petit ami de l’époque. À 19 ans, l’adolescente est déscolarisée. Par amour, elle s’installe avec lui. Il est « tout pour elle ». Quatre années de relation passionnelle, mais aussi de violences psychologiques et physiques. Elle dépose plusieurs plaintes, sans suite. Un soir, ça dégénère. Un coup de trop. De l’alcool, quelques joints, Dehlia frappe. Son geste n’a pas de conséquence vitale. « Ca peut arriver à n’importe qui. » En 2011, la peine tombe : neuf mois ferme. « Je n’ai pas eu le temps de m’expliquer. » Une peine à purger, mais sans date déterminée. Lenteur administrative... La vie a le temps de reprendre son cours. Deux ans plus tard, les gendarmes frappent à sa porte. Elle n’a pas le temps de se préparer qu’on lui passe déjà les menottes. C’est l’heure, elle est emmenée à la Maison d’Arrêt de Sequedin. Elle y passera sept mois.

 

« Si elle a envie de se suicider, qu’elle le fasse. »

 

Manque d’hygiène, insultes à la fenêtre, ce qui la choque le plus est le manque d’humanité. Elle découvre la violence de l’univers carcéral : les surveillantes ne sont pas tendres avec elle. Entre rumeurs et ouverture de son courrier, Dehlia vit mal la relation avec ses supérieures. « Vous n’êtes qu’un numéro d’écrou. » À entendre cette jeune femme parfaitement maquillée, certaines surveillantes sont violentes dans leurs propos. L’une d’elles a même dit de sa codétenue : « si elle a envie de se suicider, qu’elle le fasse. » Elle répète ces paroles, des larmes dans la voix. « J’ai fait une bêtise mais personne ne devrait avoir à subir ça. Un homme est préparé ; une femme moins, c’est dégradant. » Elle s’attendait à de la violence entre détenues. Ce ne sera pas le cas. Au contraire, Dehlia décrit une solidarité entre femmes. Ici, tout le monde a fait des erreurs. Finalement, ce sont « sept mois d’expérience humaine ».

 

« Quand on écoute « J’me tire »,

de Maître Gims dans sa cellule,

ça a forcément du sens. »

 

Un avenir incertain 

 

Ce qui l’a fait tenir : les liens avec l’extérieur. La musique « pour se sentir vivante » et, surtout, sa famille. Des parloirs de 45 minutes une fois par semaine. « Ce n’était pas grand chose, mais quand j’en sortais, j’étais prête à affronter la semaine. » Quelques minutes de liberté : elle peut s’évader. Se ressourcer. Ses parents l’ont toujours soutenue, comme ses six sœurs et quatre frères, ses « piliers ». « Je suis tellement contente de voir ma mère dans le canapé le matin… J’en ai rêvé. » Aujourd’hui, rongée par des sentiments contradictoires, elle est plutôt négative sur son avenir. Mature malgré elle, la jeune femme au calme olympien a l’impression de ne pas encore avoir vraiment vécu. Elle dit qu’elle n’aura pas de carrière mais veut qu’on lui laisse sa chance. « Qui va vouloir de moi alors que j’ai fait de la prison ? » Déterminée, la demoiselle essaie encore de s’adapter à la vie « nouvelle ». La vie qu’on lui a rendue lorsqu’elle a passé les portes de la maison d’arrêt, ce 28 décembre 2013. « La liberté est un bien précieux. J’en profite maintenant. » Elle n’a plus peur. Surtout, Dehlia est prête à pardonner. « La prison, c’est un mal pour un bien. Maintenant, j’ai une revanche à prendre. » 

 

*Le prénom a été modifié

 

Découvrez ici, une partie du témoignage de Dehlia. 

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